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images de la Résistance: histoire d'une affiche commémorative












affiche réalisée par Simonot (signée Simo)
pour la commémoration du 1er anniversaire de l'exécution des "martyrs" de Châteaubriant.
Ancien élève des Beaux-arts, graphiste, il a travaillé pour le Parti communiste, dessiné des affiches. Il était l’auteur de la Manchette du journal La Terre, organe paysan du Parti communiste, « Un laboureur derrière sa charrue ». Il a également travaillé à L’Humanité.
 

L'image de la résistance: l'histoire du temps présent face aux représentations

A. Le mythe pour reconstruire la France

A la Libération, le régime de « l’Etat français » est délégitimé par le général de Gaulle qui proclame l’identification de la nation et de la Résistance. Est alors véhiculée une lecture résistancialiste de la période de la guerre, une « histoire pieuse » (Azéma), épique, dans une « phase de deuil » qui inaugure une phase « lumineuse » pour retrouver une unité nationale perdue. Les deux grands acteurs de la libération et les pôles principaux de la mémoire du moment, les gaullistes et le Parti communiste, s’unissent pour imposer l’image d’une France majoritairement résistante irriguant une sorte d’amnésie de la mémoire officielle et collective. Dans cette construction, il fallait que les Résistants « s’y reconnaissent » selon l’expression de Lucie Aubrac.

B. L’éclatement des mémoires (1947- 1954)

La période marque la fin de l’unité résistancialiste. On assiste en effet à ce phénomène que des « batailles pour la mémoires » dans le contexte de guerre froide. C’est à ce moment, selon P.Buton, qu’apparaît la légende noire de l’épuration "sauvage". La rupture est alors consommée entre la mémoire résistante gaulliste incarnée par un chef charismatique (de Gaulle) et la mémoire du « parti des 75000 fusillés » (le PCF). Cette bipolarisation mémorielle permet le retour de la droite discréditée et de la mémoire vichyssoise voire vichyste. Le PCF interdit à ce moment toute évocation du Traité germano-soviétique et met en valeur les persécutions dont il a fait l’objet dès 1939. Son appel du 10 juillet 1940, rédigé par M.Thorez et J.Duclos, est présenté par le parti comme le début de la Résistance des communistes.

C. Le triomphe d’une mémoire gaullienne (1955- 1969)

La troisième période est une phase d’émergence d’une mémoire officielle gaullienne (1955- 1969). La France rentre dans un résistancialisme qui minore le poids de l’Etat Français et le général De Gaulle impose selon Robert Frank l’hégémonie unifiante de la « mémoire gaullienne » d’une France entièrement résistante. Le moment fort de cette mémoire officielle gaullienne est la « panthéonisation » de Jean Moulin le 19 décembre 1964, où, dans son discours, André Malraux glorifiant tout à la fois de Gaulle et Jean Moulin, béatifie l’unité résistante. Le mythe gaullien selon H.Rousso « rachète une faute collective ».

D. La fin des mythes (1969 à nos jours)

La dernière phase, selon la formule de Robert Franck, correspond « au retour du passé refoulé » (1969 à nos jours). Les historiens analysent cette période en empruntant aux catégories de la psychanalyse. En 1971, le film de Marcel Orphuls, Le chagrin et la pitié, (J.P Bresson, ORTF dira que « le film détruit les mythes dont les Français ont encore besoin ») qui ne sera diffusé à la TV qu’en 1981 (film "médiocre" selon H.Michel) brise le miroir tendu aux Français depuis 1945. D’autres œuvres contribuent à la fin des mythes tandis que le « moment Paxton » marque, du point de vue scientifique, cette déconstruction. Les années 1980-1990 voient de nombreuses polémiques et règlements de compte à distance se produire et connaît un moment fort où les rapports histoire/mémoire se télescopent avec la Table ronde autour des époux Aubrac en 1997. Après une longue période de gestation, à partir de 1995, les gouvernements successifs de droite comme de gauche, reconnaissent la responsabilité et la complicité de l’Etat français dans la mise en œuvre du génocide par les nazis. En 1995, Jacques Chirac rompt avec la tradition gaulliste et se rapproche de la vérité historique en reconnaissant progressivement la responsabilité française. Ce n’est pas seulement la mémoire des victimes mais aussi celle de l’Etat, de l’administration, de toute une société qui est sous les projecteurs et intéressent les historiens. Le discours de 1995 suscite par ailleurs de vifs débats au sein des résistants.

Tout ceci altère quelque peu la vision irénique et idyllique d’une Résistance unie et héroïque que la mémoire nationale a pieusement entretenue et rappelle que cette résistance a été non seulement plurielle, mais aussi divisée, parfois violemment, remettant parfois au premier plan les anciennes rivalités entre mouvements de résistance et entre résistance intérieure et extérieure. La dimension « résistante » de G.Môquet est toujours de tensions mémorielles. Du passé non assumé à la reconnaissance des crimes de Vichy, la France malade de son passé a peu à peu, depuis 1945, réalisé une thérapie de sa mémoire. Mais, d’autres enjeux ressurgissent démontrant selon les termes de l’historien R. Frank que la« France à encore mal à sa seconde Guerre Mondiale ».


par O.Golliard, Lycée Ferry à Conflans-sainte-Honorine