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Susciter l'expression et la réflexion historique des élèves


Exprimez vos émotions, réactions, analyses, "coups de gueule", critiques...
mais en respectant les règles de publication et en signant de votre nom:
pour une éthique de la publication sur un blog
charte des journalistes jeunes établie par le CLEMI et Jets d'Encre



quelques premières questions:
La lettre de Guy Môquet ou d'autres fusillés vous émeut-elle, vous laisse-t-elle indifférent?
Est-il nécessaire de se souvenir d'événements historiques?
Quelles questions provoque-t-elle en vous?
Qu'est-ce que son engagement représente pour vous?
Existe-t-il aujourd'hui des causes pour lesquelles il vous paraît important de s'engager?

Ce blog s'adresse aux élèves:
Réagissez en devenant rédacteur et en écrivant un billet (faites vous connaitre au CLEMI: clemicreteil@ac-creteil.fr nous vous répondrons aussitôt)
ou en rédigeant immédiatement un ou plusieurs commentaires à ce billet.


Ce blog s'adresse aux enseignants
  • en offrant des ressources qui permettent d'aborder des problématiques essentielles à l'historien et au citoyen
  • en offrant la possibilité de compléter ces ressources en devenant rédacteurs de billets permettant de prolonger la réflexion: faites vous connaitre au CLEMI: clemicreteil@ac-creteil.fr afin que nous vous accordions un accès à l'écriture.
  • en permettant aux élèves de présenter en ligne les travaux que vous initiez, dans les rubriques adaptées, et sous les formes les plus simples (un paragraphe argumenté sur la propagande sous l'occupation) aux textes plus approfondis (traitement de la problématique du positionnement du PCF face au nazisme et au gouvernement de Vichy, dans les deux premières années de la guerre, par exemple) agrémentés de documents iconographiques, statistiques etc...
 

Méthodologie: réfléchir à des problématiques du programme d'HG par des formes variées de publication

Traiter un sujet d'étude au programme sous des formes de publication extra-scolaire

sous forme

  • de Une,
  • d'article blog ou SPIP,
  • de commentaire de document photographique sous forme de légende...
 

Composer une "Une" à l'aide du logiciel Scribus

Objectifs d'appropriation du logiciel:
  1. insérer une image et l'adapter à la taille que l'on souhaite
  2. insérer un pavé de texte
  3. modifier la forme du texte dans le pavé
  4. insérer plusieurs pavé de texte et remplir ces pavés par un article qui se prolonge d'un pavé à l'autre
 

Découvrez le radio zapping du quotidien Le Monde (22 octobre 2007)

Radiozapping : Une lettre, des polémiques
LEMONDE.FR | 22.10.07 | 13h04 • Mis à jour le 22.10.07 | 13h13

Guy Môquet et Bernard Laporte étaient les deux têtes d'affiche de l'info ce matin. Les radios étaient également en direct de l'Olympia où les fans de Paul McCartney ont attendu leurs places toute la nuit. Sources : France Info ; Europe 1 ; France inter ; RMC ; Europe 2 Le Radiozapping, chaque jour à midi, tout ce qu'il ne fallait pas rater des matinales radio.

POUR ECOUTER LA SELECTION RADIO DU JOURNAL: CLIQUER ICI
 

Dans l'émission "Travaux Publics" du 19.10.07, France Culture


émission: Lundi, c'est Guy Môquet!
A trois jours de la lecture devant les élèves de France de la dernière lettre de Guy Môquet, pour ce second rendez-vous depuis les rencontres historiques organisées à Blois, Jean Lebrun consacre ses Travaux Publics à l'enseignement de l'histoire. Autour de Patrick Garcia, professeur d'histoire, Hugues Sollin, proviseur du collège-lycée Augustin Thierry et de Jean-Francois Sirinelli, directeur du centre d'histoire de Sciences Po, plusieurs historiens viendront débattre dans cette émission sous-titrée ainsi: "Les professeurs d’histoire entre émotion et injonction".
pour écouter l'émission enregistrée en direct aux rendez-vous de l'histoire de Blois, consacrés cette année à "l'opinion, information, rumeur, propagande", cliquer ici

pour découvrir la rubrique de l'émission Travaux Publics du site de France Culture
 

JACQUES DE SAINT VICTOR, La prudence des historiens face à un symbole ambigu, Le Figaro



La prudence des historiens face à un symbole ambigu
JACQUES DE SAINT VICTOR.
Publié le 15 octobre 2007


Le martyre du jeune homme fut utilisé pour faire oublier la politique du Parti communiste en 1939 et 1940.

RIEN de plus émouvant que la lettre de Guy Môquet à sa mère avant d'être fusillé : « Ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous... » Et, pourtant, comment expliquer aujourd'hui les résistances ou les prudences de nombreux historiens à la lire dans tous les établissements ? La raison est complexe. Le Parti communiste français a fait depuis 1945 du martyre du jeune Guy Môquet un symbole de la résistance du Parti, destiné notamment à faire oublier le pacte germano-soviétique de 1939 et sa politique trouble au début de l'Occupation en 1940.


C'est dans ce contexte que s'inscrit l'arrestation de l'élève du lycée Carnot. Ce dernier n'est pas un collégien comme les autres. Militant actif, il est le fils du député communiste Prosper Môquet, qui vient d'être arrêté. Le décret-loi du 26 septembre 1939, pris par le gouvernement Daladier, a dissous le PCF, en raison de son soutien au pacte signé entre Ribbentrop et Molotov.

À l'arrivée des Allemands à Paris, des négociations secrètes vont d'ailleurs avoir lieu, en juin-juillet, entre les Allemands et les communistes dont certains sont libérés de prison, au grand dam de la police française. Mais, très vite, fin août, les négociations capotent et les Allemands laissent à nouveau carte blanche aux autorités de Vichy pour procéder aux arrestations des communistes, dont les tracts sont alors essentiellement dirigés contre le grand capital. Dans l'un d'eux, on peut lire : « Des magnats de l'industrie (...), qu'ils soient juifs, catholiques, protestants ou francs-maçons, par esprit de lucre, par haine de la classe ouvrière, ont trahi notre pays. » Les rafles se renforcent en octobre 1940 et c'est dans le cadre de l'une d'elles que le jeune Guy Môquet, alors âgé de 16 ans, est dénoncé et arrêté le 15 octobre. Il est alors interné d'abord en région parisienne puis au camp de Châteaubriant en Loire-Atlantique.

Lorsqu'en 1941, Hitler lance l'opération Barbarossa et envahit l'Union soviétique, les communistes français, dirigés par Jacques Duclos, décident alors de faire rapidement oublier leur attitude passée. En octobre 1941, trois attentats, à l'efficacité aujourd'hui contestée (1), sont menés à Nantes, Rouen et Bordeaux. À Nantes, le commandant des troupes d'occupation de Loire-Atlantique, est assassiné par hasard. Hitler est furieux et ordonne une répression sévère : vingt-trois prisonniers sont fusillés à Nantes ; à Châteaubriant, ils sont vingt-sept, communistes. Parmi eux le plus jeune, Guy Môquet.

Sa mort est aussitôt chantée par le Parti (Les Martyrs d'Aragon sont publiés dès 1942 aux éditions de Minuit), mais le général de Gaulle salue aussi la mémoire de Guy Môquet cité en 1944 à l'ordre de la Nation. Il est donc dans une certaine tradition « gaulliste » d'évoquer son martyre.

Vers une Histoire officielle

Parmi les réticences à lire la lettre de ce dernier, il y a chez certains historiens la suspicion longtemps entretenue sur son authenticité. Certains ont émis l'hypothèse qu'elle aurait pu être écrite par Duclos. Les originaux de certaines missives de fusillés, comme celle de Pierre Semard, fusillé en 1942, n'ont jamais été retrouvés. Formant après 1945, un enjeu crucial pour le PCF dans sa tentative de réécrire l'histoire, afin de se faire passer pour le « parti des 75 000 fusillés », certaines ont pu être, de l'avis de spécialistes, « fabriquées » a posteriori (2).

Dans le cas de Guy Môquet, l'historien Jean-Pierre Azéma, spécialiste de Vichy et membre de l'association Liberté pour l'Histoire, est catégorique. On vient de découvrir l'original qu'il a pu examiner au Musée de la Résistance de Champigny. « Jusqu'à plus ample informé, il n'y a plus d'ambiguïté sur son authenticité », affirme Azéma.

La réticence des historiens se déplace désormais sur un autre terrain : le respect de leur autonomie. La lecture de cette lettre selon eux, doit être volontaire. C'est ce qu'a demandé l'association des professeurs d'histoire-géo, relayée par Liberté pour l'Histoire. Celle-ci se mobilise désormais sur un autre front. Elle vient de découvrir l'existence d'une directive européenne, prise sur le modèle des lois mémorielles en France, et qui doit s'appliquer à l'ensemble des législations européennes. Un pas de plus vers cette Histoire officielle dont les historiens français espéraient se libérer...

(1) Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Le Sang des communistes, Fayard, 2004. (2) Stéphane Courtois, « Luttes politiques et élaboration d'une histoire. Le PCF historien du PCF dans la Seconde Guerrre mondiale », revue Communisme, 4, 1983.
 

ANNE-NOÉMIE DORION et MARIE-ESTELLE PECH, Polémique autour de la lettre de Guy Môquet, Le Figaro



Polémique autour de la lettre de Guy Môquet

ANNE-NOÉMIE DORION et MARIE-ESTELLE PECH.
Publié le 15 octobre 2007

Certains enseignants se refusent à lire les derniers mots du jeune communiste fusillé le 22 octobre 1941. L'Élysée a rappelé lundi que la lecture de cette lettre était obligatoire, mais que les professeurs récalcitrants ne seraient pas sanctionnés.

C'EST le dernier sujet dont l'on cause en salle des profs. Faut-il oui ou non lire, le 22 octobre, la lettre de Guy Môquet, ce jeune homme fusillé à 17 ans par les Allemands ? Les enseignants concernés, ceux d'histoire-géographie, de lettres et de philosophie, ne sont guère enthousiastes face à cet exercice imposé par bulletin officiel sur injonction du président de la République. Certains dénoncent une « ingérence politique intolérable » ou « une instrumentalisation de l'histoire au profit du politique ». « Le rôle de l'école n'est pas d'inculquer l'amour de la patrie, s'agace Marie, professeur de lettres. Un prof doit apprendre à analyser, pas séduire les esprits avec du pathétique ». À écouter les profs, les principales réticences sont pédagogiques. Qu'on impose « une date sans cohérence avec les programmes » fait bondir Sylvain, professeur d'histoire-géographie. « Parler de Guy Môquet avec mes secondes, qui étudient actuellement la Grèce antique, est aberrant. Les élèves, qui ont tendance à manquer de repères temporels, vont tout confondre. » Autre critique : la « vacuité » du texte, jugé « historiquement pauvre ». « C'est une lettre émouvante mais d'ordre privé », estime Pascal, professeur de philosophie à Tours. L'ambiguïté du message délivré est décriée. « On met en avant un simple otage transformé sur le tard en résistant par le PC », critique Henri, enseignant dans les Hauts-de-Seine. « Je doute que cette idée de sacrifice pour la patrie soit un exemple pour la jeunesse en ces temps d'actualité terroriste », note Stéphane, prof à Clichy-sous-Bois.

L'opposition à une « cérémonie commandée »

Les syndicats enseignants ne sont pas en reste. Le Snes, (principal syndicat classé à gauche) appelle ses troupes à « refuser » cette « cérémonie commandée » par Nicolas Sarkozy. Pragmatique, le SE-Unsa (classé à gauche), s'interroge sur l'efficacité « d'une lecture annuelle, surtout solennisée à outrance ». Le Snalc (classé à droite) n'appelle pas au boycott mais n'a entendu « que des critiques négatives » de ses adhérents, nombreux à refuser la lecture. L'organisation de plusieurs commémorations un brin grandiloquentes accroît l'agacement. Un lycée de Saint-Denis de la Réunion prévoit une cérémonie avec lever du drapeau, minute de silence, sonnerie aux morts et chant des partisans. Dans un lycée de Melun, l'idée d'une plaque commémorative, fabriquée par les élèves et contenant des extraits de la lettre, a agité les passions. « Vous imaginez les élèves tomber sur un sinistre »je vais mourir* chaque matin au lycée ? » se désole Martin, prof d'histoire-géographie.

Si aucune sanction n'est prévue pour les récalcitrants, beaucoup de profs « liront le texte à reculons ». Chez les autres, une autre forme de résistance s'organise. Certains ne liront pas la lettre ou se contenteront de la distribuer. D'autres piocheront dans le corpus de textes proposé par Xavier Darcos : à l'intérieur, quatre missives de résistants français et allemands, des poèmes et un texte de René Char. Serge Tisseron, président de l'association des professeurs d'histoire-géographie, juge le procédé habile : « Le corpus qui comporte des textes de résistants gaullistes, chrétiens et communistes pourrait mettre tout le monde d'accord. » Parmi les frondeurs, la principale tactique reste le contournement de l'ordre. Stéphane abordera la lettre dans le chapitre « construction des mémoires nationales après la Seconde Guerre mondiale ». Martin, lui, prépare déjà un cours sur « les mythes du héros résistant ».
 

Nicolas Offenstadt, L’icône Guy Môquet, Libération

L’icône Guy Môquet

Nicolas Sarkozy a inauguré son mandat par un acte d’une portée symbolique: la lecture dans tous les lycées de la lettre du militant communiste fusillé en 1941. Mais la politique-spectacle du Président s’est heurtée à des obstacles.
Nicolas Offenstadt Paris-I-Panthéon-Sorbonne
QUOTIDIEN Libération: vendredi 19 octobre 2007

Nicolas Sarkozy a voulu inaugurer son mandat de président de la République par un acte d’une portée symbolique immédiate : la lecture dans tous les lycées de la lettre d’un jeune militant communiste fusillé par les Allemands en 1941, Guy Môquet. Une lettre sans référence précise au contexte ou aux engagements politiques de l’auteur, la lettre d’un jeune homme face à la mort, qui parle de courage, d’attachement aux siens, de sens du sacrifice. Bref des valeurs universelles facilement exportables pour qui ne cherche pas à trop en savoir sur ce qu’elles signifiaient en 1941.

Propagande. Mais, là comme ailleurs, la politique-spectacle du Président s’est heurtée à des obstacles. De nombreux enseignants ont vu dans cette initiative une mise en scène des émotions plus qu’un appel à la raison, une forme de propagande civique et patriotique d’un autre temps, sans compter l’atteinte possible à la liberté pédagogique. Une des assises les plus sûres du métier d’historien tient à la mise en série des documents, à leur confrontation. On comprend dès lors l’inquiétude suscitée par un tel «isolement» de la lettre Môquet. Du coup, le gouvernement a reculé à petits pas, comme le montre la tribune de Xavier Darcos dans le Monde du 18 octobre : elle souligne que la lecture de la lettre doit être comprise dans un contexte élargi.

Pourquoi, dès lors, toute cette mise en scène de Guy Môquet dans les discours présidentiels pour, au final, tomber dans un classique programme d’enseignement de la Résistance ? A quelques jours de la fameuse journée de lecture du 22 octobre, le Guy Môquet de Sarkozy est réduit à une icône qui témoigne de la pipolisation de l’école, après tant d’autres lieux… A vrai dire, cet usage iconique ne doit pas masquer un inquiétant mouvement de fond dont témoigne la prise de position de Xavier Darcos. Pour le ministre, l’école doit renforcer «la cohésion nationale autour d’une histoire, de valeurs et d’aspirations communes», et s’affirmer comme le lieu par excellence de la «rencontre» entre la «nation» et son «histoire».

Retour. A l’heure de la rédaction d’un manuel d’histoire franco-allemand, alors que chercheurs et enseignants multiplient initiatives et réflexions pour bâtir une école plus ouverte aux histoires plurielles, ce retour au volontarisme patriotique détonne. Les historiens n’ont cessé de mettre au jour les ressorts idéologiques de l’écriture et l’enseignement de l’histoire, pour appeler à une plus grande réflexivité. La mémoire, forcément subjective, n’est pas l’histoire, qui s’efforce à la compréhension. A rebours de ce double mouvement d’ouverture pédagogique et de travail critique des historiens sur eux-mêmes, l’école est remobilisée pour la construction d’une unité nationale campée dans ses dimensions les plus mythiques.
 

Emmanuelle LOYER, mémoire instrumentalisée, Libération

Mémoire instrumentalisée
Le choix de ce martyr relève de la réinvention d’une résistance purement patriotique.
Emmanuelle LOYER Institut d’études politiques de Paris
QUOTIDIEN Libération: vendredi 19 octobre 2007

Au moment où la résistance s’organise dans les lycées pour refuser ce que certains enseignants n’hésitent pas à nommer «l’opération Guy Môquet», peut-être n’est-il pas inutile de revenir sur la figure de ce jeune résistant de 17 ans fusillé comme otage le 22 octobre 1941.

Enjeu. Si l’on voulait symboliser l’action de la Résistance, il y avait bien d’autres références disponibles. Le choix est paradoxal, à plus d’un titre, et peut apparaître comme une réduction concertée du combat à sa dimension sacrificielle. Comme le rappelle Pierre Laborie, «la mort de Guy Môquet et les conditions de cette mort renvoient au moins autant au rappel nécessaire des tragédies de l’Occupation qu’à l’histoire même et à la singularité de la Résistance». De fait, Guy Môquet n’a pas pu participer à la lutte armée, puisqu’il est arrêté le 13 octobre 1940. En revanche, il est le symbole, ainsi que ses compagnons du camp de Châteaubriant, d’une nouvelle politique répressive où l’uniforme français a côtoyé celui des Allemands (Lire ci-dessous). A la Libération, le culte rendu aux «27 de Châteaubriant» est un véritable enjeu dans la concurrence des mémoires entre gaullistes et communistes. Chez les communistes, la fabrique du martyrologe commence très tôt, dès 1942, grâce à Duclos et Aragon (la Rose et le Réséda, les Martyrs). L’héroïsation d’une résistance précoce jette un voile pudique sur le désarroi initial des responsables d’un parti clandestin, prisonnier de son refus d’une guerre «impérialiste» jusqu’en juin 1941 – date à laquelle les communistes entrent officiellement en résistance, enterrant ainsi le pacte germano-soviétique.

Halo. Le lourd, très lourd hommage sarkozyste à Guy Môquet n’est donc que le dernier avatar d’une histoire des appropriations de la mémoire résistante. En définitive, ce qui a dicté l’élection de Guy Môquet tient surtout au halo romantique de l’extrême jeunesse sacrifiée, à la texture même d’une lettre où l’émotion – sans parler des considérations de morale familiale – se trouve happée par la mort imminente. Môquet a l’aura d’un jeune Bara de la Résistance. L’arête vive de la mémoire, même instrumentalisée, a des séductions que l’histoire n’a pas. Car, cette fois, de quoi s’agit-il ? De la réinvention d’une résistance purement nationale (quid des Manouchian et autres métèques de l’Affiche rouge, des républicains espagnols engagés dans les maquis du Sud-Ouest ?) et d’un modèle purement patriotique au détriment de l’antifascisme et de l’internationalisme, moteurs de bien des sursauts.

La valorisation aussi brutale qu’inattendue de Guy Môquet par le nouveau président symbolise l’appétit de ce dernier pour les références historiques de la gauche – de Jaurès à Blum en début de la campagne présidentielle –, la légitimation par le «grand homme», l’imposition d’un Panthéon qui en fait une sorte de ministre de l’Histoire et, enfin, la captation de l’histoire comme fabrique à slogans publicitaires – le «tout est possible» récupéré du socialiste du Front populaire Marceau Pivert. Inflation, confusion, incantations anachroniques, légitimation calculée des reconstructions mémorielles gouvernent les usages de l’histoire selon Nicolas Sarkozy. La campagne nous l’avait appris. Nous y revoilà. A suivre.
 

Jacques Le Goff, pouvoir et histoire, Libération

Éditorial

Le pouvoir et l’histoire
Jacques Le Goff
QUOTIDIEN Libération: vendredi 19 octobre 2007

Les sociétés humaines vivent de leur passé. Pour sauvegarder ce passé, elles ont deux instruments à leur disposition : la mémoire et l’histoire. La mémoire, où puise l’histoire qui l’alimente à son tour, ne cherche à sauver le passé que pour servir au présent et à l’avenir. L’histoire est une mise en forme tendant à la rationalité et à la vérité du passé. En Occident, elle est née dans la Grèce antique, et on lui donne Hérodote pour père. Mais elle a une seconde source, la Bible, dont un horizon est de raconter l’histoire de la création divine, son développement dans le temps.

Le XIXe siècle a introduit l’histoire partout. Elle est devenue une matière d’enseignement à l’école et à l’université. Elle a acquis ses spécialistes, les historiens et les professeurs d’histoire, formés selon des méthodes «scientifiques» et s’efforçant, malgré les difficultés, à l’objectivité et à la recherche de la vérité. A leurs côtés, les sociétés occidentales ont toléré des historiens amateurs plus ou moins proches des romanciers historiques ; ces historiens «non scientifiques» ne font que témoigner de la diffusion sociale du goût pour l’histoire.

Le pouvoir politique a été tenu à l’écart de la constitution de cette histoire et de la mémoire qui en découlait, réservée à des professionnels. Les sociétés n’acceptèrent que l’instauration d’une fête nationale liée à la promotion de la nation comme institution intégratrice et l’érection de monuments du souvenir, au premier rang desquels les monuments aux morts des deux guerres mondiales.

Le chaotique et tragique XXe siècle vint bouleverser ces cadres de la mémoire et attaquer le monopole des historiens. Des événements à forte résonance mémorielle comme la Shoah, la colonisation et la décolonisation, la multiplication des massacres collectifs, la flambée des racismes firent sortir de ses gonds l’histoire des historiens. Ce franchissement de la frontière de la mémoire et de l’histoire justifia les interventions du pouvoir politique qui, réagissant contre les maltraitances de l’histoire par le nazisme, le fascisme et le soviétisme, entreprit de légiférer. Un devoir de mémoire envahissant le champ de l’histoire entraîna la pénalisation de véritables crimes de l’oubli. Le négationnisme, l’apologie de la colonisation doivent être condamnés et combattus. Mais faut-il des lois ? Les lois Gayssot et Taubira sont-elles un bon exemple ? En décembre 2005, une association pour la liberté de l’histoire s’est fondée sous la présidence de René Rémond, auquel a succédé Pierre Nora. Une nouvelle intervention du pouvoir rallume aujourd’hui la querelle : la lecture dans les écoles, demandée par le président de la République, de la lettre d’adieu à ses parents écrite par Guy Môquet le 22 octobre 1941, avant d’être fusillé.

Cet acte est typique du sarkozysme : il allie la volonté d’intervenir dans tous les domaines de la vie des Français et l’introduction de la confusion dans le rappel louable de la Résistance à travers un document personnel émanant d’un jeune membre du Parti communiste, qui n’est pas en cause dans cette lettre. S’il y a une vertu française, c’est celle de la clarté, ne pas tout mélanger. Le Président est le champion du micmac. La clarté s’impose dans le domaine de la mémoire et de l’histoire. Laissons aux historiens le soin d’établir les faits. Et, si une situation historique est complexe, si une mémoire est tourmentée, laissons aux citoyens le soin de se faire une opinion en fonction des informations. A charge pour les médias de fournir les informations solides qui leur permettent de se décider. Ici aussi, comme le titrait le nouveau Libérationmardi, les Français veulent des médias indépendants.
 

Une du quotidien Libération consacrant son numéro à l'analyse de l'actualité par les historiens

Lire, dans cette même rubrique, les billets consacrés à la mémoire autour de Guy Môquet dans l'éditorial de JACQUES LE GOFF, pouvoir et histoire, l'article d'EMMANUELLE LOYER la mémoire instrumentalisée , du journal Libération ou celui de ANNE-NOÉMIE DORION et MARIE-ESTELLE PECH, du journal Le Figaro

 

Un moyen d'information privilégié: l'affiche ou le tract

le Conseil Général du Lot et Garonne ouvre ses archives:

et pour l'étudier: télécharger le document texte
 

Les médias dans la seconde guerre mondiale, une réflexion de classes de primaire (CM1-CM2) du Var

L'importance des médias dans la Seconde Guerre mondiale et sous l'occupation.

Pendant la seconde guerre mondiale et sous l'occupation, les médias ont joué un rôle important en diffusant beaucoup d'informations aux civils avec les journaux, la radio, les actualités cinématographiques. Mais ces médias ne disaient pas toujours la vérité : les civils devaient se méfier des informations mensongères, de la propagande et de la censure. C'est pourquoi certains d'entre eux écoutaient les radios étrangères comme Radio Londres...

Les médias traditionnels étaient les journaux, les affiches, les tracts, mais au début du XXème siècle il y avait de nouveaux moyens de communications et d'informations: les discours publics pouvaient être amplifiés par des micros et des hauts-parleurs, et même être retransmis par radio (radiodiffusion). La radio permettait d'écouter les informations presque en direct. Le cinéma présentait les actualités filmées de la semaine, des films, des documentaires, des reportages qui frappaient l'imagination par la force des images et des commentaires. Ces nouveaux médias étaient efficaces parce qu'ils touchaient en même temps de nombreux citoyens. Ils pouvaient être un bon support de propagande, c'est à dire qu'ils pouvaient servir à influencer des populations entières.

la suite de la réflexion: http://cm1cm2.ceyreste.free.fr/medias.html
 

Des moyens de propagande originaux


Le contrôle de la presse et de la diffusion de l'information pratiqué par les allemands pendant la seconde guerre mondiale va donner le coup de grâce à la caricature française.En Belgique la liberté de la presse inscrite dans la constitution de 1831 va permettre l'apparition et l'évolution lente de la caricature politique. Elle se ferra plus virulente et anti-cléricale avec les grandes revues de caricature du début du siècle "Le rasoir", "Les corbeaux", "La bombe", "Le sifflet" qui publient les dessins de Pif-paf, Zo-ot, Lemaitre et Gargousse. En Allemagne les caricaturistes Busch et Toepfer vont mettre à la mode l'histoire en images. Dans les années 30, le journal "Simplicissimus" va publier les caricatures de Heine et de Grosz. Les illustrateurs au service de la propagande nazie
La caricature allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945:
http://erra.club.fr/Caricat.htm


Animation et propagande
les dessins animés durant la seconde guerre mondiale:
http://www.celullo.net/4614.html
 

La charte des journalistes jeunes

Les journalistes jeunes :

1. Ont le droit à la liberté d’expression garantie par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Convention Internationale sur les Droits de l’Enfant.

2. Revendiquent le droit d’opinion et contribuent à garantir le droit de tous à l’information.

3. Prennent la responsabilité de tous leurs écrits ou autres formes d’expression, signés ou non.

4. Sont ouverts à toute discussion sur leurs publications et s’engagent par souci de vérité à rectifier toute information erronée.

5. Tiennent la calomnie et le mensonge pour une faute, sans pour autant renoncer à des modes d’expression satiriques ou humoristiques.

6. Tiennent la censure et toute forme de pression morale ou matérielle pour des atteintes inacceptables à la liberté d’expression, notamment dans les établissements scolaires, socioculturels et toute autres structures d’accueil des jeunes.